Pierre-Edouard n’en revient toujours pas d’avoir été sélectionné pour faire partie de l’événement planétaire de cette année 2029. Ils sont peu à travailler si directement avec les MAP leaders et encore moins nombreux, ceux qui sont appelés pour l’acmé de l’année, la 13ème MAP.
On mettait fin aux COP...
Pied (c’est comme cela que ses intimes ont raccourci son trop long prénom) se souvient avec un pincement de sa fête d’anniversaire de 2025. Cela lui semble être il y a une éternité ; tant de choses ont profondément changé en seulement quatre ans. Des bouleversements si profonds qu’ils englobent toute la planète, dans un mouvement presque unanime, en tous cas, délicieusement positif.
Il a 35 ans. Ses proches se sont réunis pour un anniversaire « surprise » (du genre de surprise à laquelle on s’attend tout de même un peu…). Mais la surprise vint d’ailleurs. Et elle eut des répercussions incroyables, le plongeant dans un maelström d’actions ininterrompues en faveur de la planète. Le jour même de sa fête, on mettait fin aux COP, à bout de souffle depuis longtemps, stériles, quand elles n’étaient pas aberrantes et incohérentes.
En ce 15 avril 2025, la communauté PlanetFirst émergeait au grand jour. Elle avait œuvré dans l’indifférence pendant plusieurs années, rassemblant tout de même tout le gotha de l’action environnementale - mais elle n’était pas encore la puissante force mobilisatrice des individus qu’elle devint par la suite. Depuis Janvier, elle avait mis en place les MAP mensuelles pour coordonner au niveau mondiale l’ensemble des actions individuelles locales et globales en faveur de la planète. Et cette périodicité avait un dessein clair : changer le temps, ne plus le laisser filer, le tourner à l’avantage du monde. Accélérer le temps des humains pour en laisser à la planète, afin qu’elle se régénère… à son rythme. En l’espace de seulement 4 mois, les MAP ont démontré une telle mobilisation, une telle énergie cohésive et des résultats si prometteurs qu’arrêter ces COP inutiles devint une évidence. Il n’y avait plus de place pour toutes ces conférences au mieux complaisantes et presque toujours contre-productives. Passer à l’action concrète, coordonnée et planétaire, accepter de se tromper, et le réaliser très vite pour en tirer des enseignements utiles pour d’autres actions, telles sont les fondements des MAP. Prendre tous ensemble en main le destin de la planète et de tout ce qui s’y trouve (vivant ou non).
Une sorte de moment magique, où l’humanité s’unit...
On ne comprend pas bien encore comment cela s’est produit, une sorte de moment magique, où l’humanité s’unit, animée par un sentiment diffus de n’être qu’un. Et voilà donc l’émergence des MAP (en 2029, plus personne n’y pensera plus comme les Monthly Appointements for the Planet, c’est dire la rapidité à laquelle elles ont conquises le monde des humains). Il y a bien des détracteurs de ce mouvement planétaire. On les rassemble sous le sobriquet de Nonotes. Il semblerait que cela soit la contractions des négationnistes « No need to worry », des temporisateurs « No hurry to act » et des techno-béas, « Technology will save us». Ces Nonotes donc regardaient les MAP d’un œil goguenard et amusé mais surtout condescendant. Figés dans leur immobilisme confortable, les Nonotes n’ont pas vu la déferlante qui surfait sur les ardeurs inassouvies de l’humanité. Ils ont été ébranlés par les premiers succès des MAP-1, celles de 2025 donc. En particulier, celle de mars 2025, la MAP-1.3. Elle a en effet accueilli la naissance du Planetø, la nouvelle unité d’évaluation des biens et services. Son nom intrigua au début… Planetø? une sorte de monnaie? Le o-barré avait deux interprétations que les concepteurs avaient malicieusement combinées. La version évidente laisse apparaître le globe terrestre, le ‘o’, barré obliquement de son axe de rotation incliné (qui est une des conditions de la vie sur la planète). L’interprétation plus subtile se réfère au symbole de l’ensemble vide en mathématiques ; ainsi le Planetø est-il vide de valeur marchande. Le tout porté par un nom qui rappelle l’objectif : préserver la Planète. Son adoption si fulgurante fut célébrée dès la fin de cette folle première année, lors de la dernière MAP de 2025, la MAP-1.13. Tous les acteurs des MAP pouvaient s’enorgueillir d’avoir rendu obligatoire l’affichage du Planetø à côté du prix des biens de consommation dans de très nombreux pays. La rapidité de cette mise en place a bien entendu surpris et entrainé quelques cafouillages et incompréhensions que les Nonotes ont exploités. Mais le travail de Pied et de ses comparses à travers le monde a eu vite raison des critiques.
PlanetFirst, pour prendre soin de la planète
Jusqu’à ses 35 ans, Pierre-Edouard n’avait été que modérément acteur du changement planétaire qui sourdait. L’annonce du Planetø, un mois avant son anniversaire, avait été une sorte de révélateur. Cela devint encore plus clair quand, en ce 15 avril 2025, plutôt que de profiter de son anniversaire surprise et de sa famille pour ses 35 ans, on apprit que les COP annuelles se dissolvaient au profit des MAP mensuelles. Comment ces COP, instruments devenus stériles de l’ONU, pouvaient-elles se reconnaître moins efficaces qu’une simple communauté d’individus, appelée PlanetFirst, pour prendre soin de la planète ? Comment accepter que PlanetFirst, ce groupement apolitique, puisse être plus compétent que les organisations officielles en charge du monde depuis si longtemps ?
Il était particulièrement heureux de contribuer à l’essor du Planetø
Comment les Nonotes disaient-il déjà à l’époque ? Ah oui, « ces illuminés pensent faire mieux et plus vite que les sages comités. Mais pour qui se prennent-t-il ? Vouloir aller 12 fois plus vite en mensualisant ces réunions, sous prétexte de rattraper 20 ans de retard ? ». Pied se sentit pris dans le mouvement instantanément à cette annonce, comme beaucoup d’autres humains d’ailleurs. Les MAP, il le comprit très vite, n’étaient que la surface : la réalité, le concret des actions, l’efficacité environnementale, enfin en mouvement, tout cela avait lieu au quotidien, chez soi, au travail et dans la société. Chacun pouvait proposer des idées (qu’il avait testées à son niveau) et une MAP sélectionnait et proposait leur mise en œuvre globalement, partout où c’était possible et utile. Il ne s’est donc pas privé de lancer des projets, tant dans sa vie personnelle que professionnelle. Il était particulièrement heureux de contribuer à l’essor du Planetø : ses compétences scientifiques lui permettaient d’évaluer, de chiffrer, de comparer les données nécessaires à l’élaboration de Planetø de chaque bien et service. C’était un travail collaboratif et laborieux, un peu comme Wikipédia en son temps. Permettre à chaque individu de connaître le Planetø de chaque produit était une activité gratifiante (tant pour sa satisfaction personnelle que pour l’information éclairée fournie aux acheteurs). Être capable d’intégrer dans ce Planetø des éléments aussi disparates, mais intriqués, que l’impact sur le climat, sur la biodiversité, sur l’utilisation de l’eau et des sols, était un immense défi. Cette activité quasi monacale l’occupa donc plus de quatre ans. Infatigable, il savait que l’action devait aussi s’ancrer au sein des entreprises et des gouvernements. C’est pourquoi, là aussi, comme des millions d’autres, il contribua chaque jour à changer le monde depuis l’intérieur des murs coupables.
Mais ce n’est pas cette action professionnelle qui lui valut d’être appelé, plus de quatre ans après ses premiers pas avec PlanetFirst, à la 13e MAP de 2029. Incapable de comprendre la motivation de cet appel pour le bouquet final de l’année planétaire, la MAP-5.13, il s’y rendit rempli de circonspection. Il n’imaginait donc pas qu’il finirait par y proposer que Sixtine, sa benjamine de sœur, soit une des MAP-6 leader de l’année 2030. Il ne pouvait savoir le poids écrasant qu’il allait faire porter sur ses jeunes épaules. Et combien elle lui en serait reconnaissante.
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